La laque japonaise arrive en Europe au XVIIe siècle, d’abord par le biais des Portugais puis par les Compagnies des Indes Orientales, anglaises, hollandaises et françaises. C’est pourtant seulement à partir des années 1720 que la laque fait son apparition sur le marché parisien en volume important, et l'exclusivité de son commerce est détenue par les marchands merciers qui n’hésitaient pas à la vendre à la découpe pour suppléer à une demande grandissante.
Afin de pallier ce manque de matière première, et surtout par souci d’égaler la qualité des œuvres asiatiques, des vernisseurs s’employèrent dès le XVIIème siècle à imiter ces productions. Les premiers essais reviennent sans doute à la famille Dagly, dynastie de vernisseurs originaire de Spa depuis le XVIIe siècle et notamment Jacques Dagly (1665-1729) qui rejoint la Manufacture des Gobelins et met au point le vernis Dagly capable d’imiter les laques japonaises et chinoises. Les frères Martin ont ensuite produit ce qui est considéré comme la forme la plus raffinée de laque européenne et donnèrent leur nom à cette technique : le vernis Martin. Ils obtinrent en 1730 le monopole de la production d'imitations de laques de Chine et du Japon; monopole reconduit en 1744. Le vernis Martin fut développé à partir d'un vernis appelé chipolin, remarquablement brillant, de texture fine et produit avec une gamme de couleurs rehaussées par de la poussière d'or sous la surface, produisant une finition étincelante. Le long processus nécessite l'application de jusqu'à quarante couches sur la surface, chacune étant ensuite polie pour obtenir la profondeur et la finition requises. Il existait parallèlement d'autres ateliers de vernisseurs, mais l'on sait encore peu de choses sur leur travail, les inventaires des marchands merciers donnant rarement une indication sur leurs fournisseurs.
Cette bonbonnière, qui s’apparente de par sa nature et son aspect à un laque japonaise du XVIIe siècle à décor en takamaki-e et hiramaki-e or, argent sur fond nashiji, présente en fait une iconographie très européenne. En effet, non seulement la perspective typique en laque japonaise n’est pas ici respectée, mais les motifs n’ont par ailleurs aucun comparable au Japon. Ainsi, le bateau qui orne le couvercle est un mélange hybride entre une jonque et la flottille du grand canal de Versailles à l’époque de Louis XIV; le dragon émergeant des flots s’apparente plus aux dauphins qui ornent les grandes fontaines parisiennes. Enfin et surtout, le lion qui orne l’intérieur du couvercle ressemble à une caricature de Louis XIV telle que celle de Romeyn de Hooghe publiée en 1672, qui ne déforme pas le portrait mais présente le roi comme un prédateur (illustrée ici). Cette bonbonnière apparaît donc plus comme une expression européenne des motifs japonais ou chinois et rappelle les gravures de décor pour boîte en laque de Jean-Michel Papillon (1698-1776), destinées au vernisseur (voir 2014, p. 135, No 78).
Daniel Gouers / Govers ou Govaers est reçu maître en 1717, cautionné par Arnoult Georges, et actif jusqu'en 1748. Considéré comme l’un des plus importants fabricants de tabatières de la première moitié du XVIIIe siècle, ses boîtes étaient certainement admirées par le roi puisque les Registres des Présents du Roi font maintes fois références à des boîtes au « poinçon de Gouers » entre 1726 et 1735. Ses tabatières, qui intègrent souvent des matières telles que la laque et la pierre dure sont généralement gravées sur la gorge « Gouers à Paris ». Bien que d’origine flamande, Gouers n’en a pas moins réussi à intégrer la charge d’orfèvre à Paris mais aussi à devenir « Orfèvre ordinaire de la Reine et Marchand orfèvre joaillier de leurs Majestés ». Il est par ailleurs sans aucun doute un personnage complexe à la vie mouvementée : comme le décrit H. Nocq, il dépose le bilan en 1736 pour s’enfuir à Bruxelles, avant d'être ramené de force à Paris où il est emprisonné à la Bastille. Il enchaînera plusieurs courts séjours de ce type, dont un entre le 23 octobre 1737 et le 15 février 1738 pour escroquerie.
Gouers est un orfèvre haut en couleurs mais surtout novateur. Rien n’indique où la laque a été achetée : est-ce une commande spéciale et celle-ci lui a été fournie par son client ? L’a-t-il achetée à Paris ou à Bruxelles où il se rendait souvent ? La bonbonnière cache-t-elle un message et doit-on lire dans son décor un message métaphorique ? Est-ce une représentation de Louis XIV et du dauphin ? La boite est-elle de provenance royale ? Autant de questions qui ajoutent au mystère de ce magnifique objet.
BIBLIOGRAPHIE COMPARATIVE : Les secrets de la laque française, musée des Arts décoratifs, Paris, 2014. S. Castelluccio, Le Goût pour les laques d’Orient en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, St-Remy-en-L’eau, 2019. K. Snowman, Eighteenth Century Gold Boxes of Europe, Londres, 1966. A. Maze-Sencier , Le livre des collectionneurs, Paris, 1885. Henry Nocq, Le poinçon de Paris, Paris, 1922-1930.
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