ESTAMPILLE DE GEORGES JACOB, FIN DU XVIIIe SIECLE

Cet exceptionnel fauteuil a pu être identifié comme faisant partie d’un livraison pour Charles II Auguste de Palatinat-Deux-Ponts (1746-1795) pour son château de Karlsberg à Hombourg. L’élégance de ce fauteuil et la richesse de ses motifs sculptés en font un modèle grandiose et caractéristique de l’œuvre de Georges Jacob (1739-1765), fournisseur de la Couronne.
Par son sens du dessin, le parfait équilibre entre la rigueur des lignes et la générosité de la sculpture, sa qualité d’exécution supérieure, ce siège est caractéristique de ce maître au dernier quart du XVIIIe siècle. Le plus célèbre des menuisiers en siège de cette fin du XVIIIe siècle signe ici une réalisation impeccable, emprunte de grandeur, à la hauteur de ses livraisons pour les autres maisons royales françaises. Menuisier ordinaire de Monsieur, comte de Provence et frère du Roi, le future Louis XVIII, il meublera la plupart de ses demeures. Il fournira entre autre, le comte d’Artois, Mme Elisabeth, le prince de Condé, le duc de Penthièvre mais également le duc de Bavière et bien entendu le duc des Deux-Ponts.

Charles II Auguste de Palatinat-Deux-Ponts nait à Düsseldorf en 1746. Il succedera à Christian IV en 1775 où il tiendra son rôle jusqu'en 1795. Son prédécesseur était deja réputé grand amateur d'art parisien mais surtout grand dépensier. Nous savons en effet que celui-ci passera d’importantes commandes d’objets et de meubles à Paris ayant notamment un goût tout prononcé pour la civilisation française et les luxueuses importations de France (H. Ottomeyer, «Les achats d’œuvres d’art des ducs de Deux-Ponts à Paris », in S. Castellucio, Le Commerce du luxe à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles ; échanges nationaux et internationaux, 2009, p. 283.) Charles II, plus sage, renoncera bien vite à ces fastes et se lancera notamment dans une grande campagne d’assainissement des finances de l’Etat. Cela ne l’empêchera pas cependant d’acquérir deux ans plus tard un quartier de Hombourg qu’il agrandira peu à peu pour former le château de Karlsberg. Plus qu’une riche collection de meubles, celui-ci abritait entre autre de somptueuses toiles de maîtres, des dessins, des armes, une bibliothèque ainsi qu’une collection de pipes !

Notre fauteuil fait partie d’une importante commande réalisée entre 1781 et 1782. Le bordereau de livraison réalisé par Bourjot le 5 mars 1782 mentionne en effet : douze grands fauteuils meublants, deux grands canapés dits à l’antique, deux bergères en tête-à-têtes, douze fauteuils courants en cabriolet ainsi qu’un écran de cheminé, le tout destiné au Salon de Compagnie n.12 E. Aujourd’hui les onze autres fauteuils se trouvent conservés en Allemagne dans les collections des Wittelsbach, dont deux sont exposés à la Résidence de Munich et deux autres au Château de Nymphenburg (inv. M 94-06). Bien que le château de Karlsberg fut incendié après la Révolution le 28 juillet 1793 par les armées françaises au cours de leur retraite, les fidèles de la cour purent emporter avec eux la quasi-totalité des collections à Mannheim, expliquant pourquoi une grande majorité de ce mobilier fut préservé.