Jean Ducrollay est l'un des plus célèbres fabricants parisiens de tabatières au XVIIIe siècle. Orfèvre-joaillier de la Couronne et de la Cour dès 1760, il fournit les Menus Plaisirs, le ministère des Affaires étrangères ainsi qu'une clientèle très distinguée comprenant Madame de Pompadour (pour laquelle il produisit un moulin à café en or ciselé, 1756/7, aujourd'hui au Louvre) et le duc d'Aumont (pour lequel il créa la célèbre tabatière en or et émail, 1744, décorée de plumes de paon, aujourd'hui dans la Wallace Collection).
Apprenti en 1722 chez son oncle Jean Drais, qui le parraine à la maîtrise en 1734, l’atelier de Ducrollay est un atelier familial qui rassemble son frère Jean-Charles (1712-66) ainsi que les orfèvres Louis Roucel (FL. 1763-1787 et Pierre-François Drais (FL. 1763-1788) le fils de Jean, alors en apprentissage.
L’œuvre de Ducrollay se distingue par l'usage de matières précieuses variées tel que l'émail, la porcelaine, les miniatures sur ivoire, la laque et les pierres dures qu’il combine dans des montures en or. Ce goût des pièces montées lui vient sans aucun doute de son apprentissage chez son parrain Jean Drais qui en fait une spécialité avec notamment les boîtes à miniatures, en général de J.J. De Gault, imitant d'anciens camées, sertis dans des fonds d’émail ou de pierre dure, comme par exemple une boîte ovale en cornaline de 1776-77 avec une miniature en camaïeu peinte directement sur la pierre et flanquée de deux agates arborisées (Vincent Fraysse, le 18 novembre 2015, lot 71, préalablement dans la collection du Baron Carl von Rothschild).
La miniature sur émail figurant sur le couvercle de cette tabatière est d’après le tableau de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud (1659-1753). Réalisé en 1701, ce tableau reprend la posture du roi dans son portrait en costume de sacre mais cette fois en armure. À partir de 1702, nombre d’artistes, peintres, graveurs et émailleurs comme Pierre Pasquier (1731-1806) reproduiront cette même figure et sa pose, presque à l’identique. L’atelier de Rigaud réalisa, jusqu’en 1715, un très grand nombre de « Louis XIV », de dimensions variées, en armure ou en manteau de sacre, en pied ou en buste, qui furent immédiatement répandus en France et dans les cours d’Europe. Ce tableau est devenu l’archétype des portraits officiels au-delà même des ruptures.