Private Property – l’anthologie d'une décennie déterminante
par Philippe Garner
En 1983, il y a tout juste quarante ans, Helmut Newton concevait son mythique portfolio Private Property. Présenté l'année suivante à Londres par Hamiltons Gallery, le portfolio complet réunit quarante-cinq tirages originaux organisés par séries de quinze dans trois coffrets noirs rehaussés d’un titre réalisé au pochoir.
Les clichés, sélectionnés avec minutie par Helmut Newton, dressent un panorama puissant du travail réalisé par le photographe de 1972 à 1983. Ces années se révèleront cruciales dans sa carrière. La crise cardiaque dont le photographe est victime en 1971 l'affecte profondément et exacerbe sa volonté d'explorer toute l'étendue de son imagination.
Private Property rassemble diverses illustrations exceptionnelles témoignant de la fusion entre mode, portrait et mises en scène érotiques qui caractérise la démarche d'Helmut Newton durant cette période. Le photographe ancre son esthétique singulière, éminemment glamour et sophistiquée, dans l'étrange et le dérangeant. Mélange de genres, la collection dévoile des portraits séduisants d'artistes tels que David Bowie et Karl Lagerfeld, des représentations sensuelles d’actrices comme Charlotte Rampling, Sigourney Weaver et Raquel Welch, des clichés de mode inoubliables et des nus déconcertants, provocateurs. Fil rouge de son œuvre, le narratif implicite confère à ses compositions élaborées une dimension mystérieuse qui captive le regard.
En relisant le texte que j’avais écrit à l’époque pour présenter Private Property, je redécouvre ce que la collection m’avait alors inspiré : « Ses images convoquant l'univers du glamour, de l'érotisme et de la haute couture à la fois fragile, raffiné, dur et artificiel suscitent des réactions extrêmes, entre invectives et admiration ». Cet art de polariser, que je considère tout à son honneur, reste d'actualité. Sans doute parce que Newton nous renvoie infailliblement à nos travers, aux complexités et contradictions de notre société, à nos vanités, nos idéaux et nos illusions. Et la théâtralité de ses images, à la fois captivantes et déconcertantes, assène des vérités éternelles qui ont par ailleurs assuré la longévité de son œuvre.
Ce portfolio a été conçu huit ans seulement après la première exposition entièrement consacrée à Helmut Newton et deux ans après celle d'octobre 1981 organisée à la galerie parisienne de Daniel Templon, et qui allait marquer un véritable tournant dans sa carrière. Le photographe, qui s'était imposé jusque-là dans les pages des magazines, réoriente alors plus systématiquement son travail sur une nouvelle audience en présentant des tirages d'une exigence extrême.
D’abord proposé dans une édition de 75 exemplaires plus 10 épreuves d'artiste, Private Property a été retiré du marché quelques années plus tard sur décision du photographe : seuls 25 exemplaires sont disponibles. Les autres sont aujourd'hui détenus dans les archives de la Helmut Newton Foundation. Certains des portfolios vendus ont été cassés et les tirages dispersés individuellement. Ces circonstances expliquent et soulignent la rareté d'une série complète comme celle présentée ici.
Private Property – the distillation of a pivotal decade
by Philippe Garner
Helmut Newton’s Private Property portfolio was conceived forty years ago, in 1983. It was launched by Hamiltons gallery in London the following year. The forty-five prints that constitute the portfolio are packaged in three suites of fifteen prints, each suite in an tough black box with spray stenciled title, as issued.
The images had been carefully selected by Newton as a strong representation of what he had achieved in the previous decade. These were crucial years in his career, following the 1971 heart attack that had shaken him profoundly and sharpened his determination to draw deeper from the well of his imagination.
In Private Property we find numerous great examples of the fusion of fashion, portrait, and erotic subjects that Newton made his own in those years, giving his strange, unsettling twists to his distinctive figures of style and sophistication. We find here seductive portraits of such creative figures as David Bowie and Karl Lagerfeld; we discover Newton’s sensual depictions of film stars including Charlotte Rampling, Sigourney Weaver, and Raquel Welch; striking, unforgettable fashion images; and his challenging, disconcerting nudes. Ever present are the implied narratives that add a tantalising further dimension of intrigue to his meticulously considered compositions.
Looking back to the text that I wrote all those years ago to introduce Private Property, I am reminded of my words. I noted that, ‘His images of a brittle, polished, hard and artificial world of glamour, eroticism and high style have inspired extremes of invective and admiration’. I see it as being to Newton’s credit that his work maintains to this day its ability to polarise responses. Perhaps it is because Newton very effectively holds a mirror to our foibles, to the complexities and contradictions of our society, of our vanities, our ideals, and our illusions. There are eternal truths in the artifice of his contrived images, which can be at once compelling and disconcerting. These truths have ensured the longevity of his oeuvre.
This portfolio was conceived just eight years after Newton’s first solo exhibition and just two years after the exhibition in October 1981 at the Galerie Daniel Templon in Paris that marked an important step-change in his career. For it was around this time that, after many years building an appreciative audience through the magazine page, he started to focus more systematically on finding an audience for his work in the form of high-quality prints.
Private Property was planned and released in an edition of 75 plus 10 artist’s proofs. Within a very few years however, Newton withdrew the portfolio from the market. No more than 25 were released. The balance are today in the archive of the Helmut Newton Foundation. A number of those that were sold were broken up and the prints dispersed individually at a significant profit. These circumstances explain and underscore the rarity of a complete set such as is presented here.