J’ai le sentiment de […] me réduire à la taille d’un timbre-poste, d’être enfin quelque chose comme un valet de trèfle articulé et de pouvoir me mêler à ce monde enchanté des jouets que notre cœur d’enfant, quelles que soient nos épreuves, désire toujours…

FARGUE, Léon-Paul (1876-1947). Noël de guerre (?). Manuscrit autographe signé, non daté. 7 pages sur autant de feuillets in-4 (270 x 210 mm), recto seul. Encre noire sur papier rosé.

Beau manuscrit évoquant l’atmosphère de Noël et les vitrines des grands magasins malgré « nos heures d’inquiétude », alors que la guerre assombrit « cet obscur décembre » : « … car cette nuit artificielle, cette fausse carte céleste, […] cette nuit lèvera pour un soir ses paupières. Et le Père Noël, et Blancheneige [sic], entourés de leurs petits hommes, cracheront leur lumière au front bleu de sueur du mauvais joueur qui jeta ses cartes au visage du Monde… »

Plus que jamais piéton de Paris, Fargue déambule devant les vitrines illuminées, s’extasiant devant la magie des mises en scène mais regrettant les ambiances martiales du moment qui « se peignent sur les jouets » : « Il faut le dire tristement, mais carrément : c’est le costume militaire qui domine. […] Tant de casques, de carabines à air comprimé, de revolvers, de jumelles et de sabres disent assez que le Monde est sur les dents. À ce monde astiqué et violent, il faut souhaiter que la nuit de Noël soit généreuse, et que cette guerre, où les démons mettent des verges dans les cheminées, retombe exténuée, fessée, dans l’univers raffiné des jouets où les gaz sont remplacés par des cheveux d’ange… »

Émerveillé autant que troublé par la profusion et la qualité des jeux destinés aux enfants (« Les fabricants pensent sans doute que les enfants sont vieux, […] et qu’il faut renouveler le jouet comme on renouvelle la mode, le spectacle, les formes de la circulation… On s’évertue à les éduquer, à les tenter par des trouvailles de plus en plus actuelles…»), Léon-Paul Fargue « avoue, pour [s]a part, ne pouvoir [s]’arracher à ces vitrines où sont rassemblés les éléments les plus imprévus et les détails les plus complets du pittoresque technique de ce temps. Autos-grues, garages exacts, avions soignés comme des insectes, transports routiers avec remorques, funiculaires émouvants comme des sauts de la mort, téléphones, machines à écrire, autos-canons avec fumée, voiliers, locomotives ‘aérodynamiques’, michelines, camions pétroliers, constructions diverses…»

Beautiful manuscript about Christmas in war time.

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